dimanche 2 décembre 2012

15. Oeuvre de miséricorde


La scène démarre par un chant dans le camp anglais. Un plan panoramique passe en revue l'ensemble des troupes et tous sont en train de chanter. La musique se poursuit au plan suivant qui nous montre un zoom avant sur le visage de Celliers. Nous devinons de ce fait que ce chant l'affecte. La scène se déroule au crépuscule : à la fin de la journée en même temps qu'à la fin de la vie de Celliers (l'introduction de l'orgue en fond du chant donne l'aspect liturgique d'une cérémonie d'enterrement).



Un flashback nous remémore qu'il a eu un frère, nous nous rappelons alors que Celliers se sentait tout à l'heure coupable d'avoir détruit l'élan vital qui poussait son frère à chanter, à vivre ses émotions. Nous pouvons alors imaginer que, pour Celliers, le fait d'entendre ces soldats lui rendre hommage par le chant lui permet d'exorciser son traumatisme, lui qui est parvenu à redonner la force de chanter à des camarades mal en point. Il semblerait qu'il ait le sentiment d'avoir racheté sa dette envers ce que nous qualifiions d' « élan vital », d'avoir accompli son devoir et de pouvoir mourir apaisé. Au cours du flashback, un lent travelling avant semble le faire revenir dans le jardin de son enfance. Celliers évoque explicitement ses remords, son frère semble lui avoir pardonné (« Don't apologize »). Celliers lui donne son chapeau d'esthète (qu'il avait commencé à porter pour mener sa repentance et qui l'a accompagné pendant tout le film), acte symbolique qui marque la conclusion d'un périple et de l'accomplissement de son oeuvre de miséricorde. L'enfant lui rend malgré tout son chapeau, ce qui veut peut-être dire que s'il peut pardonner, son innocence est malgré tout perdue pour toujours.

Enterré dans le sable, Celliers peut aussi être vu comme un arbre planté dans le sol. Ainsi, ses bourreaux, en essayant de l'enterrer pour éviter qu'il ne contamine les autres par le mouvement de son corps, ne parviendront pas à l'empêcher de germer et de répandre ses graines. Ainsi, le corps de Celliers n'était qu'un véhicule qu'avait trouvé l'élan vital pour se libérer de l'emprise mortifère de la raison. La suppression de ce véhicule ne le contraindra pas à abandonner son effort puisque les graines ont été semées (la musique que l'on entend à cet instant s'intitule « Sowing the seeds »).

La nuit tombe de plus en plus en même temps que l'état de Celliers se dégrade. Yonoï vient prélever une mèche sur sa tête en pleine nuit. Celle-ci est comme un fruit bien mûr que l'on récolte juste avant l'automne, juste avant que l'arbre ne soit complètement dégradé jusqu'au printemps suivant. Le visage de Celliers porte les marques de fatigue d'un arbre qui approche de sa période de repos hivernale.



L'angle de la caméra est tel que, lorsque Yonoi se positionne avant d'aller saluer Celliers, il est aligné et ses pieds sont disposés juste au dessus de la tête de l'anglais. Le corps enterré de Celliers a constitué de solides racines ainsi que la souche d'un nouvel arbre au tronc robuste. Le corps de Yonoï prolonge celui de Celliers de la même manière qu'il va prolonger à travers le temps cet « élan vital » qui l'a engendré. Le plan suivant semble montrer les derniers instants de la vie de Celliers.

Yonoï dans le prolongement de la tête de Celliers, tel le tronc d'un nouvel arbre repoussant sur la souche d'un autre.

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