lundi 10 décembre 2012

7. Expressions corporelles




Un zoom avant sur le baraquement des prisonniers anglais, à partir d'une position éloignée, avec en fond la musique que nous avons eu l'habitude d'entendre dans les moments où Yonoi prenait attention à ses propres émotions (regard insistant vers Celliers au tribunal avant de l'interroger, conversation privée entre Yonoi et Lawrence au sujet Celliers et de son « amitié » éventuelle) qui est interrompue par les cris de Yonoi.
La séquence par son zoom nous invite à épier, d'une part l'intimité du baraquement anglais (qui est le point de mire du zoom), d'autre part le conflit interne vécu par Yonoi (en entendant la musique qui nous semble dorénavant symboliser un déséquilibre émotionnel chez lui, et qui est ici interrompue par ses cris de lutte).
Le plan suivant se situe à l'intérieur du baraquement, nous voyons Lawrence, l'anglais le plus proche de l'entrée/sortie de l'endroit (et donc de Yonoi qui est visuellement absent mais dont on entend les cris), se déplacer plus à l'intérieur pour rejoindre Celliers qui est de l'autre côté d'un muret, allongé dans un sens inverse.
Celliers se plaint des bruits, il demande à se faire expliquer pourquoi Yonoi crie ainsi. Il demande pourquoi il ne « dit pas ce qu'il a sur le coeur ». Lawrence lui répond que c'est exactement ce qu'il fait. Cette scène montre à nouveau que Celliers, contrairement à Lawrence, ne sait pas interpréter les formes d'expressions du personnage japonais. Il ne comprend pas ce que son comportement signifie. Lawrence confirme un peu plus son rôle de médiateur et d'interprétant.

Le soldat anglais ayant eu des rapports homosexuels sursaute après un cris de Yonoi. Le raccord entre le son du cri de Yonoi avec l'image de la bouche de l'anglais se déformant et s'ouvrant nous donne l'impression que l'anglais joue le rôle d'un médium incarné par la « partie insensée » de l'âme de Yonoi (au sens platonicien du terme : voir Monique Dixsaut, Platon, pp.186-187, L'union de l'âme et du corps), la « partie rationnelle » de l'âme de Yonoi ayant un ascendant trop fort sur la personne de Yonoi pour permettre à celle-ci de s'exprimer par le langage.

Un redoublement du cri succède aux paroles du jeune soldat déclarant avoir fait un cauchemar, cette affirmation donnant par ailleurs une information pour interpréter la nature des cris : si notre supposition est juste, ces cris sont l'expression d'une souffrance. Puis les deux personnages regardent en direction du mur qui donne sur l'extérieur. Le plan consécutif nous montre Yonoi maniant le sabre avec un autre  personnage. La scène nous évoque selon toute vraisemblance un lien de cause à effet entre le cri de Yonoi et le cauchemar de l'anglais : le bruit d'un cri de combat a bien pu lui créer du stress pendant son sommeil, provoquant un cauchemar suivi d'un réveil. Mais en même temps, nous pouvons y voir une confirmation que c'est bien quelque-chose de la personne de Yonoi qui s'était incarné dans le médium anglais.

Entrainement au sabre de Yonoi


Yonoi s'entraîne au sabre avec un autre soldat. Il joue le rôle de tori, c'est à dire de celui qui « travaille » un mouvement par opposition à uke, celui qui agit pour faire travailler l'autre. A chaque attaque de son adversaire, Yonoi effectue sans hésitation une réponse efficace et adaptée à la situation. Ceci est le fruit d'un long entraînement visant à incorporer des techniques prédéfinie par un programme d'entraînement pour produire le plus vite possible la réponse attendue à un certain type d'attaque. Yonoi connaît et applique parfaitement ce code de conduite comme il fait analogiquement avec le règlement culturel dont il est imprégné et auquel il obéit corps et âme. Via cette session au sabre, Yonoi tente de faire reprendre à son mental le contrôle de son corps, corps qu'il sent commencer à agir par lui-même et dont il veut re-dociliser.

Execution du coréen

Après que Yonoi ait avoué son trauma (il n'était pas là quand ses camarades se sont faits tués et aurait voulu mourir avec eux), le suicide organisé du coréen est mis en place.

Pendant qu'Hicksley continue de réciter le règlement qui fait autorité pour lui, le coréen, pour faire Hara-Kiri, est sur un tapis ressemblant à la cloison du premier plan du film où le lézard se trouvait. Son corps tremble devant ce que sa tête lui impose de faire. Un officier chargé de le décapiter lui demande de garder la tête droite. Même dans la douleur la plus extrême il est attendu de lui que son cerveau garde en laisse son corps.
L'officier, impassible, le frappe plusieurs fois à l'épaule pour le punir de ne pas y parvenir. Hara arrive en courant pour l'achever. Il avait déjà montré des signes d'empathie mais cet empressement peut notifier sa transformation vers plus d'humanité.
Le hollandais-victime, qui avait déjà « ressenti » les cris du corps de Yonoi, se tranche la langue et meurt simultanément avec la décapitation du coréen. Une fois encore, son corps semble avoir partagé la souffrance d'un autre.
Chaque camp a une réaction qui lui est propre : les japonais restent en place pour honorer leur mort tandis que les anglais sont en désordre, il n'y a plus règle qui vaille et Yonoi le leur reproche.
Il demande l'approbation de Lawrence qui lui refuse. Yonoi s'adapte et propose un compromis : il s'agira de jeûner en l'honneur des défunts plutôt que leur rendre un honneur plus « martial ».
Refus catégorique de Hicksley qui s'entête à ne pas chercher à comprendre.

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